Fake news. D’où viennent-elles?
Les Fake news : Coupables, mode opératoire et mobile
Pas besoin d’être Sherlock Holmes pour décrypter une fake news. Tel un roman policier mal écrit, on connaît déjà le coupable dès les premières lignes. En revanche, la victime, elle, est toujours la même : nos sociétés humaines.
Le climatosceptique
“Il est là le réchauffement climatique, -3 °C dans les Yvelines aujourd’hui.”
Le profil : Ce réactionnaire qui ne supporte pas que son restaurant préféré propose un menu végétarien ou que son voisin ait acheté une voiture électrique avec une subvention du gouvernement. Une fausse ironie, une interprétation biaisée (volontaire ou non) des données météo : le crime est signé du climatoscepticisme ou plus largement de ceux qui remettent en cause la science ou la médecine.
Le mode opératoire : Son préféré est le « cherry picking » (ramassage de cerises en français). Il choisit ce qui l’arrange en sélectionnant un extrait d’article, une citation ou une donnée précise qui semble appuyer une théorie douteuse, sans tenir compte du reste du document ou du consensus scientifique. Un exemple ? Prétendre que la planète se refroidit en s’appuyant sur une anomalie locale de température, oubliant volontairement les tendances mondiales. Il associe souvent cette méthode avec son alibi favori : ce soi-disant expert, des fois prix Nobel d’une discipline sans lien avec le sujet, ou une étude scientifique authentique, sortie de son contexte.
Le mobile : Le pouvoir d’influence. Ces figures du doute gagnent une audience en simplifiant un discours complexe, souvent à contre-courant du ressenti populaire. Une communauté naît, se fidélise en adhérant à ces propos ce qui assoit leur pouvoir d’influence. Ce pouvoir pourra ensuite être utilisé à des fins politiques ou de manipulation des foules.
Le complotiste
“Faites vos propres recherches.”
Le profil : Il est le niveau évolué du climatosceptique. Pro des réseaux sociaux, il propage de fausses informations via des contenus douteux, des photos montages ou des sources invérifiables. Il faut cependant distinguer les créateurs de fake news de ceux qui y croient et les diffusent. Ces derniers finissent souvent isolés, coupés de leurs proches, voire exclus de la société. L’engrenage peut être rapide : une vidéo vue sur une plateforme, un algorithme qui propose des contenus similaires, et l’utilisateur s’enfonce dans une réalité parallèle où tout se tient… sauf la vérité.
Le mode opératoire : Ils utilisent des narrations simplistes, apparemment logiques, pour expliquer des phénomènes complexes. Ces récits font appel à des figures de style classiques du complotisme : l’ennemi invisible, le plan caché, les “preuves” ignorées par les médias. Ils exploitent la méfiance envers les autorités, les émotions fortes, et utilisent des effets de manche pour masquer l’absence de preuves concrètes. Cela rassure, donne l’illusion de savoir et flatte un sentiment de supériorité sur les autres : “moi je sais ce que les autres ignorent.”
Le mobile : Influence, idéologie, profit. Qu’il s’agisse de pseudosciences, de traitements miracles ou de formations bidon, les préjudices vont bien au-delà du portefeuille. La santé publique peut même en pâtir. Exemple ? La rougeole de retour en 2024 chez une dizaine d’enfants aveyronnais, dont les parents étaient convaincus par le discours antivax.
Le serial posteur des réseaux sociaux
“Si c’est vrai, c’est très très grave”.
Le profil : C’est un vrai média à lui tout seul. Et on le connaît tous, c’est cet oncle très actif sur facebook ou cette cousine qui spamme les conversations de famille sur whatsapp. Syndrome de Stockholm ou schizophrénie numérique, le posteur en série n’a pas le temps de s’encombrer avec le fact-checking et devient donc la victime s’un système qu’il alimente.
Le mode opératoire : Il poste et reposte beaucoup sur les réseaux sociaux, s’insurge de tout et de rien. La plupart du temps il n’est même pas allé plus loin que le titre de l’article qu’il republie. L’éventail des sujets traités est digne d’un grand écart à la Van Damme : le matin vous découvrirez comment une société secrète menace la Macédoine du Nord, le soir vous apprécierez ce chat trop mignon qui éternue (et c’est vrai qu’il est super mignon ce chat, mais c’est pas le sujet).
Le mobile : C’est un peu la balle perdue, l’accident bête ou le but contre son camp. Il souhaite « éveiller » ses proches, au final il les expose à des contenus manipulatoires.
L’activiste politique
“Ils nous cachent la vérité”
Le profil : Il ne fait pas dans la demi-mesure, les élites mentent, les médias manipulent, et lui seul détient LA vérité. Derrière son gilet jaune, son brassard patriote ou son badge syndical, l’activiste politique saute sur n’importe quel fait divers. Qu’importe si les faits sont tordus ou inventés, le message est clair : le peuple est trahi.
Le mode opératoire : Ils commencent par une vidéo floue ou une image sortie de son contexte pour faire enfler une rumeur. Puis récidivent à base de posts Facebook viraux et de vidéos en direct dans lesquels l’indignation tient lieu d’argument. Tout ce qui peut semer le doute ou raviver la colère est bon à prendre. C’est l’émotion brute et le partage d’opinion qui priment, pas les faits et encore moins leurs vérifications.
Le mobile : Mobiliser, fédérer, exister. Ces figures cherchent à rassembler autour de leur cause, quitte à mentir ou manipuler. Le récit doit frapper fort pour galvaniser les foules. Même s’il faut tordre un peu (ou beaucoup) la réalité.
Les médias attrape-clics
“Top 10 des histoires exceptionnellement incroyables. La huitième va vous surprendre.”
Le profil : Gala de promesses d’insolite, match des révélations… et pourtant, le vrai crime se cache dans l’assassinat de votre esprit critique. Voici les médias attrape-clics. On parie que vous vous êtes déjà fait piéger ?
Le mode opératoire : Des titres racoleurs, des chiffres sans contexte, des phrases coupées, des anecdotes douteuses. Le but ? Créer de l’engagement. L’émotion (colère, peur, rires) est leur arme principale. Et chaque clic, chaque vue, rapporte. Ce n’est plus l’intérêt informatif qui guide, mais la performance algorithmique. La vérité devient secondaire, l’audience devient une fin en soi.
Le mobile : L’argent. C’est tout. Peu importe la véracité : si ça fait cliquer, ça vaut la peine. Certaines fake news sont même créées pour booster le trafic. Quand l’économie de l’attention règne, la manipulation devient rentable.
Les trolls
“On peut plus rien dire de toute façon”.
Le profil : Parfois ado blagueur, parfois stratège coordonné, seul ou en meute, les trolls sont les agents du chaos, des anonymes au mille visages. On les reconnaît par ce commentaire qui déraille, cette discussion qui s’envenime, ce débat qui vire au ridicule. Ils ont l’air de plaisanter, mais le mal est fait.
Le mode opératoire : Provocation, détournement, attaque en masse. Il balance une rumeur, un gif moqueur, et laisse les autres se déchirer. Les débats sérieux deviennent illisibles et les protagonistes moqués. Le troll ne cherche pas à convaincre, mais à déstabiliser. Il parasite l’espace public en rendant impossible tout échange constructif. Quand les gens s’en vont, la mission est accomplie.
Le mobile : Attention, idéologie, sabotage. Le troll amateur veut réagir, le troll militant veut nuire, le troll professionnel veut diviser. Et dans un monde où l’on doute de tout, ils prospèrent.